C. G. JUNG, M-L VON FRANZ, B. HANNAH, C. TAUBER : Imagination active, Imagination musicale

2015, La Fontaine de Pierre ISBN 290270751

Ce livre propose un tour d’horizon de la méthode, si particulière à Jung, de relation à l’inconscient : l’imagination active, méthode qu’il a expérimentée — en témoigne aujourd’hui le Livre Rouge — puis travaillée et transmise à d’autres analystes qui nous présentent ici leur approche.
Michel et Monique Bachetta ont ainsi regroupé des textes et un film, tous très vivants et toujours d’actualité sur la méthode singulière à Jung et à ses successeurs de connexion à l’inconscient, que ce soit à des fins thérapeutique ou personnelle.
Ainsi, autour d’une republication de la Fonction transcendante reliant conscient et inconscient, texte fondateur de Jung de 1916, se déploient des contributions postérieures. Deux de M.L Von Franz : l’une à partir d’une conférence qu’elle a donnée en 1976 à Los Angeles, inédite en français et intitulée : « Confrontation à l’inconscient collectif », et la deuxième : « L’imagination active selon CG Jung », déjà publiée en français en 2007. Le troisième texte « L’imagination active » par Barbara Hannah, provient d’une conférence donnée à Zurich en 1967 (reprise dans l’introduction de son ouvrage Rencontres avec l’âme, imagination active selon CG Jung, publié en français en 1977). Le livre se termine par le script d’un scénario d’un film de C. Tauber (dont le DVD nous est offert) qui, aveugle, pratique l’imagination active musicale pour lui-même et pour ses patients (tout son étant mis par lui spontanément en image).
Nous ne reviendrons pas sur le texte de Jung, que chacun connait, mais les autres textes sont d’une très grande modernité, tant sur le plan clinique et thérapeutique que par les interrogations qu’ils soulèvent à situer l’imagination active par rapport aux différentes méthodes méditatives très courantes de nos jours
À travers ces différentes contributions nous avons un panorama de ce qu’est l’Imagination Active, de ce qu’elle n’est pas — en comparaison par exemple avec des méthodes méditatives — de ses indications et contre-indications. La réalité de l’inconscient, la confrontation qui peut être démoniaque avec lui font de cette méthode un outil précieux, mais pas facile à manipuler. Car il ne s’agit pas d’associer et de se perdre dans l’imaginaire ou le théâtre en se dissociant, mais de se confronter réellement avec notre type d’attitude et nos inaptitudes aux images et scénarii qui se présentent ; aucune échappatoire ne sera tolérée — et c’est le rôle éventuel du thérapeute d’y veiller. C’est une véritable confrontation éthique dans la totalité de l’être, un face à face avec ce qui se présente. Les exemples cliniques témoignent qu’il s’agit rarement d’une partie de plaisir, sans modèle (comme celui du Christ ou du Bouddha), sans maitre ou gourou, sans texte préétabli, sans projet ni fin, à la différence des différentes méditations (sauf peut-être le bouddhisme zen) ou des exercices spirituels.
Elle n’est donc pas recommandée en cas de risque de décompensation psychotique — Jung appelant d’ailleurs cette méthode : « psychose temporaire ». Mais elle peut être utilisée en thérapie et même servir à aider le patient à se dégager de son analyste, car c’est seul — même si accompagné — qu’il doit faire le chemin, chemin qu’il pourra ainsi, en continuant à appliquer cette méthode, poursuivre toute sa vie. L’imagination active est utile à l’analyste, nous disent ces thérapeutes tant comme outil d’interrogation du contre-transfert que dans son chemin personnel d’individuation.
Cet ouvrage vivant permet une réelle découverte de l’imagination active, tout autant qu’une revisite complète pour ceux qui en ont déjà une idée ou une pratique thérapeutique.


Publié par Martin-Vallas François le 24 février 2017 dans Recensions de livres