Aimé AGNEL : Le Moi, Le Soi, Les Rêves. Essai de Psychologie Analytique

Le Martin Pêcheur/Domaine jungien — Paris — 2017 — ISBN 2954509694

C’est un livre dont les différents chapitres reprennent des articles écrits entre 1990 et 2014, articles écrits pour des conférences et des revues. Ils traitent tous d’un problème qui a longtemps préoccupé Jung, le problème des rapports difficiles à théoriser entre le moi conscient et cet autre centre de la personnalité entière (consciente et inconsciente), le soi archétypique.

C’est un grand bonheur de retrouver ces textes parus au cours des années. Bonheur parce qu’Aimé Agnel chemine, déambule autour de ces thèmes, du simple apparent à la complexité.
C’est un mouvement régulier, qui avance en s’enroulant puis s’ouvre, respire et regarde. C’est une façon de penser-réfléchir qui me touche parce qu’elle se développe en douceur et complexité grâce au travail conjoint de la pensée et du sentiment.

D’abord, dans le premier chapitre, Aimé Agnel nous rappelle les prémisses de la pensée de Jung :
– penser à partir du sujet dans sa singularité et sa complexité
. avec, comme repère et grille d’écoute, les dimensions et les fonctions,
. en reconnaissant l’importance du rôle des contraires, des pôles opposés et les conflits qu’ils créent,
. et comment les résoudre (3ème terme).
– C’est une pensée dynamique et la méthode en sera : ouverture et rigueur (tenir ensemble les opposés), subjectivité créatrice, double mouvement vers le passé et l’avenir.

Puis, à travers une lecture qu’il appelle « historienne » A. Agnel fait ressortir deux périodes dans l’élaboration de la théorie jungienne,
1) La pensée de Jung se forme et se développe en référence et en opposition à Freud (1913-1928)
2) Entre 1929 et 1939 Jung développe sa propre conception de l’inconscient.
Entre ces deux périodes (1928) la rencontre avec le traité Le mystère de la Fleur d’Or et la « découverte » du soi.
On aura donc différents accents théoriques :
– le moi « fort » confronté à un inconnu /inconscient
– le soi « fort » avec le risque d’identification du moi au soi ou d’assimilation du moi par le soi.
– le manque de materia et d’ombre.
(Chapitres 2 : « La difficile mise en place du soi et de l’ombre », 3 : « Du Moi au Soi », 4 : « Du Soi au Moi »)

Les chapitres 6 « L’individuation, du principe au processus » et 7 « Le centre vide du mandala » poursuivent les questions-réflexions autour de « cet inconnu qui nous affecte », la place du corps, le rôle et sens du mandala, l’individuation, la complexité et le jeu des opposés.
Le chapitre 8 propose un autre regard sur le soi : « une autre approche du soi, le sentiment océanique » (cf. Rolland).
Le chapitre 9 « Pensée dirigée et Pensée imaginative » nous parle de l’imagination vraie, source des mythes, source de compréhension et expérience vivante, et ouvre vers les trois chapitres suivants qui parlent des rêves.

Dans ces trois chapitres A. Agnel nous offre avec sa rêverie-réflexiondéambulation, différentes images du rêve : chapitre10 « Le Rêve est une écriture », très beau texte sur le rêve, le deuil et l’écriture ; chapitre 11 « Écrire, rêver, une affaire de devenir » où le rêve est considéré en lien avec la pensée de G. Deleuze : « Écrire est une affaire de devenir, toujours inachevée, toujours en train de se faire. » Autre regard.

Le chapitre 12 nous donne aussi un autre regard, celui d’Elie Humbert et presque sa voix dans une émission télévisée de 1976, texte intitulé « Les Dimensions du rêve ». Je dis « nous offre, nous donne » parce que c’est vraiment le sentiment que j’ai, d’un cadeau.
Et ceci, plus encore avec les deux derniers chapitres :
. le chapitre 13 : « L’ombre et le Soi dans la musique contemporaine ».
Réflexions/variations sur le bruit, la musique, l’ombre, l’étrange, l’étranger, la complexité.
. et le chapitre 14 « Jung et Fellini » :
« Jung et Fellini ont en commun une même pratique de l’inconscient, d’un inconscient matriciel, impersonnel, objectif… » dit A. Agnel qui nous conseille de regarder avec attention les films, les carnets, cette attention dont parle Jung, qui la relie à une attitude religieuse. C’est ce que fait A. Agnel dans ce texte, ces textes. Il a l’art de rendre la pensée/théorie de Jung accessible et vivante, reliée au quotidien, sans rien perdre de sa complexité.


Publié par Lovering Catherine le 15 décembre 2020 dans Recensions de livres