C.G. JUNG : Psychologie et Philosophie - Conférences Zofingia - 1896/1899

2013, Albin Michel, Paris - ISBN 978-2226209153

Il s’agit de 5 conférences de Jung exposées dans le cadre de la Société de Zofingue, à laquelle Jung appartenait durant ses études de médecine. Une édition anglaise The Zofingia Lectures était parue en 1983. L’édition allemande de 1997 avait proposé un texte remanié, grâce à l’accès aux manuscrits de Jung conservés à Zürich dans les archives de l’ETH (Ecole Polytechnique Fédérale).
La préface de M. L. von Franz présente la Société de Zofingue, son histoire, ses devises (Patrie, Amitié, Lettres) et ses coutumes. Elle éclaire le contexte dans lequel Jung donna ces conférences et précise les principaux thèmes qui sont abordés. Elle souligne que ces exposés sont pour Jung l’occasion d’exprimer publiquement ses premières idées. Pour ceux qui, comme moi, n’y avaient pas accès, le premier texte de Jung connu en français était sa thèse de psychiatrie de 1902. Du coup, cette publication relance la réflexion : on y trouve en effet ce qu’Aimé Agnel a appelé les « prémisses d’une pensée »1, pensée qui sera ensuite servie dans son élaboration par l’expérience clinique, le vécu et les recherches de Jung, y compris dans le domaine des sciences.
D’autre part, Jung profite largement de la liberté de ton et de parole permise par la société d’étudiants. Ainsi, bien loin du Jung âgé de Ma vie qui commente cette époque, nous voyons s’animer un jeune homme de 20 ans qui se met en scène, argumente avec fougue et conviction. Un étudiant cultivé, brillant, au fait des théories scientifiques, riche de nombreuses lectures qui viennent étayer ses développements et prises de position. Un coup de jeunesse rafraîchissant, donc, dans le style, mais aussi une jeunesse marquée par ses préoccupations de l’époque.
Entrevoir les prémisses de sa pensée est le premier fil que je vais suivre par de simples évocations, bien loin d’être exhaustive. Cette lecture a aussi été pour moi la découverte d’un chaînon manquant, me permettant de mieux comprendre les choix et implications de Jung dans cette période. Ce sera le deuxième fil que je tenterai de suivre.

En 1895, Jung a 20 ans. Son entrée à la faculté de médecine de Bâle a été une décision très difficile à prendre. A la fin de ses études au collège, son orientation devient cruciale. Il hésite : les lettres ou les sciences ? Il entend son père dire : « Le petit s’intéresse à toutes sortes de choses, mais il ne sait pas ce qu’il veut ». Et Jung d’ajouter « Je ne pouvais que lui donner raison » (Ma Vie, p.107).Ces conférences donnent à voir l’intérêt de Jung pour les deux possibilités qui se présentaient alors à lui. En effet, on y trouve à la fois des références scientifiques et des références littéraires (philosophiques, théologiques) sur lesquelles il s’appuie, théories scientifiques qu’il connaît bien :
- la physique, avec la loi de la gravitation, l’étude des ondes, la théorie de l’éther
- la chimie : la théorie atomique et moléculaire
- la zoologie et la botanique : la « generatio aequivoca » (ou « génération spontanée » : la vie organique peut naître de la vie inorganique).
La question de la religion et du divin le préoccupe depuis longtemps. J’y reviendrai à propos de sa dernière conférence. Pour tenter de répondre à ses interrogations, il élargit ses lectures aux philosophes : Pythagore, Platon, Hegel, Schopenhauer, Kant, Nietzsche, ainsi qu’à des textes religieux.
A propos de ce choix qu’il doit faire, je renvoie à ce qu’en dit Christian Gaillard, qui souligne l’alternative soulevée et l’exigence d’une décision : pour lui, cela traduit « le caractère polymorphe de ses questionnements » – ce qui apparaît clairement dans ces conférences – et donne « la mesure des réticences ou des résistances à s’inscrire, enfin, dans l’espace et le temps et donc dans les limites et contraintes d’un parcours bien défini » (C. Gaillard, p.31 2).
« Les limites de la science exacte », novembre 1896
Entamant sa première conférence, Jung se présente en référence à la famille Jung, bien connue à Bâle par les « offenses » commises, dit-il sur un mode ironique. En effet, le grand-père paternel Carl Gustav Jung y était un homme connu. Fils d’un médecin allemand, il avait fait ses études de médecine et était aussi poète, converti au protestantisme. Membre d’une organisation estudiantine, il fut arrêté à l’occasion d’une fête religieuse et émigra transitoirement en France d’où on lui proposa la réorganisation de l’école de médecine de l’université de Bâle. Grand Maître de la franc-maçonnerie suisse, il a publié des traités scientifiques ainsi que des pièces de théâtre. Il a fondé un établissement pour enfants « retardés ». Cet homme était donc une « figure » de la ville de Bâle.
Du côté maternel, le grand-père Samuel Preiswerk était théologien et devint à Bâle le président de l’assemblée des pasteurs. Il a publié une grammaire hébraïque, et était, selon Jung, en relation avec le monde des esprits. Sa seconde femme, grand-mère de Jung, était médium.
Son père, pasteur protestant, est aussi connu à Bâle. Il avait été membre de la Société de Zofingue et, ensemble, ils participèrent à une sortie au cours de laquelle Jung dit avoir retrouvé en lui l’étudiant qu’il avait été.
Sur un ton mordant et ironique, Jung dénonce l’inertie des scientifiques, leur incapacité à penser par eux-mêmes. Il décrit des scientifiques centrés sur la recherche de reconnaissance –une « fiction » et une « hallucination destructrice » – donnant le ton à un cercle de « bien-pensants », dans une indifférence totale aux évènements d’actualité, comme par exemple le génocide des arméniens par les turcs. Ceci dans une vive critique de la recherche du profit et de l’argent. Devant sa véhémence, on peut penser à sa situation financière à cette période. Son père avait obtenu une bourse pour ses études, à la grande honte de Jung qui a souffert du manque d’argent, en comparaison avec ses camarades (voir dans Ma vie). Après la mort de son père, fin 1896, donc contemporaine de cette conférence, Jung devra subvenir aux besoins de sa famille, ce qui sera aussi l’une des raisons pour lesquelles il entrera au Burghölzli en 1900.
Le thème central de cette conférence est l’exposé des contradictions du matérialisme portées par le courant « mécaniste » de la science, ce qui l’amène à s’interroger sur les « présuppositions métaphysiques » des phénomènes physiques. Lui-même s’inscrit dans la lignée de Kant (le courant « vitaliste » à l’époque). Passant en revue les théories des sciences exactes, donc, il aboutit à la question de savoir « si ces choses ont bien lieu réellement ainsi ou bien si elles nous apparaissent simplement comme telles » (p.36).
A travers l’exemple de la lumière, qui n’a pas de réalité matérielle, la loi de la gravitation et celle de la conservation de l’énergie, il démontre comment la science exacte conduit, par ses limites, au domaine de la « métaphysique » au sens de « qui dépasse la physique » et à la collision entre la réalité et le postulat de la théorie :
« Ce que nous observons n’est pas une discordance entre la réalité et les besoins de la raison, mais plutôt une collision entre la réalité et un système qui ne s’accorde absolument pas avec la raison » (p.41).
La théorie de la génération spontanée pose la question des origines de la vie et du lien entre la matière et la vie ; la loi absolue : « tout ce qui est vivant est issu du vivant » le conduit à l’idée qu’il est « impossible que la vie pré-existante ait été liée à la matière », mais « existe indépendamment d’elle, c’est-à-dire de manière immatérielle » (p.43).
« Quelques réflexions sur la psychologie », mai 1897
Dans la seconde conférence, Jung poursuit son propos concernant la métaphysique et le transcendantal et s’engage dans le « royaume des Ombres », dit-il, sur le terrain du spiritisme et des sciences occultes.
A cette époque l’hypnotisme fait son entrée dans la science allemande, en même temps d’ailleurs que la découverte des rayons X (pour ce qui concerne les actions à distance).
Les Rêves d’un visionnaire de Kant fournissent la matière à son argumentation. J’en donne les idées, maîtresses me semble-t-il, que l’on peut relier aux développements que Jung en fera plus tard :
1- il existe des natures immatérielles, dont l’âme humaine
2- il existe une communauté de natures immatérielles reliées entre elles hors du temps et de l’espace.
3- l’âme humaine est rattachée à deux mondes : liée à un corps, elle ne ressent que le monde matériel ; liée au monde des esprits, elle en reçoit les influences et en provoque elle-même.
Enfin, elle n’a pas conscience du lien avec les natures immatérielles « aussi longtemps que tout va bien » (Kant, cité par Jung p.53).
A partir de ces idées fortes, Jung postule l’existence d’un principe vital, qui gouverne la conscience, elle-même soumise à ce principe ; ce principe vital n’est pas dans la conscience, ni dans la conscience du moi. Il donne le nom d’ « âme » à ce sujet transcendantal, « une intelligence indépendante de l’espace et du temps » (p.58).
L’âme, non perceptible par les sens, doit se matérialiser (prendre une forme spatiale) : « la plus extraordinaire et incroyable matérialisation de l’âme est l’homme lui-même » (p.67).
La gravitation est purement transcendantale, l’action à distance n’étant soumise ni au temps ni à l’espace. Le spiritisme et les phénomènes télékinésiques, télépathiques (clairvoyance, prémonitions, prophéties, seconde vue, rêves prémonitoires, phénomène du « double » etc.), procèdent également de l’action à distance. Jung propose en conclusion d’engager une recherche empirique sur les phénomènes psychiques, ceci par des hommes à l’esprit ouvert non philosophes. Il propose également d’imposer une morale à la science. Pour lui, les vérités transcendantales pourraient être de l’ordre de la religion, ce qui annonce sa quatrième conférence.
On voit ici combien Jung, à partir de ses lectures et de sa participation aux séances de spiritisme de sa cousine depuis 1895, est déjà très engagé dans la recherche sur les phénomènes occultes. Outre le fait qu’il a vécu avec les « esprits », du côté de sa mère et de son grand-père maternel, cela permet de mieux comprendre pourquoi il s’engage en 1900 vers la psychiatrie et entre au Burghölzli. Et d’éclairer aussi le sujet de sa thèse de 1902 3. Dans Ma Vie il relate que le choix de cette spécialisation, à laquelle il n’avait absolument pas pensé, s’est imposé à lui, à la lecture de la préface du manuel de Krafft-Ebing, dans une « illumination soudaine ». Jung lit : « Les manuels de psychiatrie portent toujours une marque plus ou moins subjective » ; plus loin, Krafft-Ebing envisage les psychoses comme « des maladies de la personne ». Jung trouve dit trouver là le « champ commun de l’expérience des données biologiques et des données spirituelles que j’avais jusqu’alors partout cherché en vain. C’était enfin lieu où la rencontre de la nature et de l’esprit devenait réalité » (voir p.134, Ma vie). Il y trouve aussi la prise en compte de la subjectivité.
« Discours d’investiture à la Présidence de la Société », au cours du semestre d’hiver 1897/1898
En 1897, Jung est élu Président de la Société et son discours est consacré à cette dernière : son histoire, son but, son engagement politique, la liberté de pensée et les échanges amicaux qui y ont cours.
« Réflexions sur la nature et la valeur de la recherche spéculative », semestre d’été 1898
L’introduction de la quatrième conférence pose le sérieux de l’exposé sur la recherche spéculative.
A quoi sert la science ? Qu’est-ce que le bonheur pour l’individu ? La science le sert-elle ? Jung constate que le profit mène le monde et que l’état décide pour l’homme. Quelle est la part de l’individuel et celle du collectif dans la recherche du bonheur ?
A travers sa démonstration, qui fait suite aux propos des deux premières conférences, nous pouvons voir combien sa réflexion est déjà profondément mûrie par ses lectures, et supposer que des questionnements personnels en sont à l’origine.
Voici quelques points qui, pour moi, ont fait lien avec ses développements ultérieurs.
Le bonheur est subjectif, dit Jung avec Schopenhauer, n’obéissant à aucune chaîne causale ; l’un de ses facteurs est le sentiment de bonne conscience morale, l’impératif catégorique de Kant 4. Un autre facteur, de l’ordre de la raison pure, est l’assouvissement de l’instinct causal, régit par une loi dont dérivent les lois scientifiques : la catégorie de la causalité. Les douze catégories kantiennes réduites à trois par Schopenhauer ((temps et espace dans l’ordre perceptif, causalité, forme de pensée), sont des catégories « a priori » précédant l’expérience. Les processus de pensée relèvent de cet instinct causal et tendent vers la recherche de la vérité ; impératif catégorique et instinct de causalité apportent le sentiment de bonheur. Subjectif, donc, le bonheur dépend des dispositions intrinsèques de l’individu. Il est également soumis à un facteur objectif : le collectif, « être heureux avec les autres ». Jung fait entrer le subjectif dans le domaine de la recherche empirique.
Vue comme un instinct, la causalité est « un « agissant » qui, « sans être soumis à notre volonté, influence nos actes ou plutôt les modifie en les orientant dans une direction dont nous ne sommes pas pleinement conscients, et qui ne sera reconnaissable qu’à posteriori » (p.101). « La finalité est le fondement de toute action instinctive » (p.104).
Le besoin de causalité devient pour Jung une aspiration métaphysique. « Toute philosophie authentique, en tant qu’elle est l’expression achevée d’une aspiration métaphysique, est une religion » (p.103). Et aussi : « L’instinct causal, en tant qu’indication à priori de l’existence de causes de nature transcendantales, est la religion » (p.108). Autrement dit, devant les limites de la science dans la chaîne des causalités, l’instinct de causalité – et sa finalité inhérente – agissant devant l’énigme de l’existence, on aboutit au domaine du religieux. La question du « pourquoi » est aussi celle du but, celle du sens.
Au bout de sa démonstration et devant la chaîne infinie « aucune cause n’est en soi une cause finale mais représente plutôt l’effet d’une cause » (p.111), une représentation se fait jour : « l’existence d’un nombre infini de mondes se comportant comme des cercles concentriques et excentriques ».
Jung poursuit : « A l’évidence, ces mondes sont d’une nature totalement subjective, de sorte que, au sens strict, tout sujet en possède un en propre » (p.111), mais/et : « sur le fond…. c’est-à-dire en soi, tout ce qui existe … se meut dans un seul et même monde, obéissant de manière incompréhensible à une cause finale inconnue » (p.112).
Sans doute déjà l’Unus Mondus : « Le monde absolu ne se divise pas en deux royaumes distincts, celui de la chose en soi d’un côté, et le monde phénoménal de l’autre. Tout est Un. Ce n’est que pour nous que cette division existe, parce que nos organes sensoriels ne sont capables de percevoir que certaines sphères du monde absolu (p.112) ».
S’interrogeant sur la place faite à la souffrance humaine (une réalité) chez les philosophes (notamment chez Kant et Schopenhauer, Jacob Böhme et dans l’Ecclésiaste entre autres) Jung développe de manière paradoxale devant sa propre aspiration à l’unité ¬¬¬¬– il le dit lui-même – le thème des opposés : « sans opposition, aucune chose ne peut apparaître à elle-même » (Jacob Böhme, cité par Jung p.114). Ainsi l’instinct de survie admis par la science peut-il être compris comme un signe de reconnaissance des forces antagonistes dans la nature. D’un point de vue énergétique, le principe de constance et la loi de la conservation de l’énergie tendent vers la passivité. Au contraire, les forces antagonistes nées du conflit entre deux éléments engendrent la création d’un autre élément etc. Jung étend ce dualisme au sujet conscient de lui-même, ayant à faire à l’extérieur qui le sollicite pour sa survie, et, à l’intérieur, à l’image qu’il a de cette lutte, dans un ressenti de schisme psychique. Ainsi va la souffrance humaine : la vie, activité la plus forte, subit les assauts des lois de la nature. La notion de bonheur appelle celle de la souffrance.
Etayant sa démonstration sur la biologie, la physique et la théorie énergétique, de l’inorganique à l’organique, Jung développe donc l’idée d’une polarisation des éléments, et soutient l’existence de forces attractives et répulsives dans la nature. L’opposition fondamentale entre ce qui est vivant et mort, actif et passif, est le moteur de la création. Le fondement de l’existence se trouve donc être de tendre à la différenciation.
Ce passage et cette citation de Nietzsche : « il faut encore porter en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante » (p.125)) m’ont renvoyée aux Sept Sermons aux Morts, écrits en 1916 dans sa période de désorganisation, où ces thèmes sont repris dans une création amplificatrice particulièrement saisissante.
Le pessimisme est placé face à un optimisme « absurde et infâme », puisque méprisant les souffrances de l’humanité : « […] aucune diversité ne peut se développer sans l’existence d’une opposition et, par conséquent, que la souffrance résultant d’une dualité est absolument essentielle au développement d’une personnalité différenciée » (p.123).
« Réflexions sur la conception du christianisme en rapport avec l’enseignement d’Albrecht Ritschl », janvier 1899
Cette dernière conférence reprend la conception de ce pasteur protestant, qui faisait école à cette époque. Jung s’attache à démontrer que cette conception ne fait au fond qu’obéir à un dogme, celui du protestantisme luthérien.
Il critique vigoureusement l’approche qui consiste à faire du Christ une personnalité historique, comme certains scientifiques étudient « l’homme Jésus » en prenant comme référence l’homme dit « normal ». La morale religieuse est de ce fait réduite à l’imitation d’une personne, mais pourquoi celle-ci plutôt que quelqu’un d’autre ? Jung voit dans le protestantisme de Ritschl la négation de la part mystique de la religion – dont l’union mystique homme-Dieu – et une opposition à toute affirmation métaphysique, l’absence de mystère provoquant ennui et détournement de la religion.
Malgré le fait que Jung ait abordé le thème du religieux dans ses conférences antérieures, on peut s’étonner de le voir enfourcher ce cheval de bataille. D’abord, et il le dit lui-même dans l’introduction de son propos, parce que ce sujet est bien loin du domaine de la médecine et des sujets abordés jusqu’alors. Aussi, en raison du ton passionné que l’on perçoit ici et qui va bien au-delà de la critique et de l’ironie qu’il utilise ailleurs.
Depuis son rêve de la cathédrale de Bâle, Jung se pose des questions sur Dieu, sur sa part sombre. Sa communion qu’il vit comme un échec (il ne ressent pas « l’état de grâce » attendu, dit-il dans Ma Vie), l’attitude de son père face au dogme, l’avaient amené à chercher dans la Bible et les textes religieux des descriptions d’expériences semblables à la sienne, et des réponses à ses questions. Les discussions avec son père avaient pris une tournure d’affrontement, quelques années avant l’entrée de Jung à la faculté de médecine. Il relate dans son autobiographie ce qui les opposait sur le problème religieux : l’expérience que lui-même a faite très jeune du divin, face à la « religion théologique » de son père. Ses expériences religieuses précoces seraient dues au sentiment d’insécurité qui régnait dans sa famille, par phénomène de compensation (Ma Vie, à partir de la p. 112).
S’agissant de son père, il fait le lien entre sa perte de la foi, ses efforts à rester croyant en s’accrochant au dogme, et sa maladie.
Au regard de tous ces éléments, avec le décès récent de son père (1896), peut-être peut-on comprendre le ton passionné de Jung, et penser qu’il est encore dans une période de deuil compliquée.
Enfin, cette critique du dogmatisme renvoie aux futurs débats avec Freud, Jung lui reprochant d’ériger en dogme sa théorie de la sexualité.
Malgré leur abord parfois ardu, ces conférences de Jung, placées en regard de son autobiographie, s’avèrent être un matériel précieux. Je n’ai proposé ici que quelques éléments : je renvoie à la lecture de ce document, qui nous laisse percevoir aussi un Jung qui prend corps dans son époque.


Publié par Girault Claudine le 24 février 2017 dans Recensions de livres